iD delices : votre complice de valeurs
Délice de partages
Nous partageons avec vous quelques
contes tout doux que nous avons appréciés. Ces histoires nous ont fait sourire, elles nous ont fait pleurer, elles nous ont fait rire, … Prenez un petit temps de
respiration, installez-vous
confortablement et lisez ou écoutez plutôt. Retrouvons aujourd’hui un conte choisi par Praline Gay-Para, dans son ouvrage
Contes curieux des quatre coins du monde choisis, traduits et racontés par Praline Gay-Para.
Vous avez pu lire, et, nous l’espérons raconter, le merveilleux conte swahili
“La chair de la langue” que nous vous avons déjà partagé. Nous poursuivons maintenant notre voyage pour une toute autre contrée, l’Inde. Nous allons dans une de ses provinces au nord-ouest du pays , le
Pendjab. Cette histoire-là est faite de magie. Il y est question de fakir aux pouvoirs
magiques, de cygnes se nourrissant de perles, de roi au grand cœur. Une poignée
d’épices aura fait basculer le destin d’un roi. Lisez plutôt comment un roi découvre ce qu’est le vrai don de générosité.
Un mélange d’épices : la subtilité créative
Ce conte nous a rappelé qu’une routine bien installée, dont les résultats semblaient proches de
l’idéal pour tout un chacun pouvait être bousculée pour amener encore à
mieux. Lisez plutôt et faites-vous votre propre idée… Et puis, nous vous réservons une
surprise 
!
Le goût d’un conte Indien
Le nord-ouest de l’Inde comptait plusieurs villes dans lesquelles des caravanes faisaient halte. Ces caravanes serpentaient le long de la route de la soie pour acheminer mille richesses par-delà le monde. Les hommes et leurs chameaux s’arrêtaient dans des villes bien connues tout au long de leur chemin. Le soir venu, chacun pouvait enfin se reposer. Les portes des villes closes, ils étaient en sécurité. Les hommes pouvaient alors s’enquérir des nouvelles qui s’ébruitaient, ou encore se divertir. Les conteurs avaient ainsi à cette époque là un rôle essentiel dans la vie de tout un chacun. Ils racontaient … Ils disaient des histoires … Ils reprenaient certains faits et les embellissaient, tenant en haleine leur auditoire jusqu’au bout de la nuit parfois.
Continuons de lire des contes,
Continuons d’écouter des histoires,
Continuons de raconter des légendes,
Et soyons nous-mêmes des auteurs.
Pour que perdurent ces doux moments de partage sans limite d’âge,
Pour que soient réunis les sages et les moins sages,
Pour que tous nous gardions les images, non dans les nuages,
Mais bien là au fond de nos cœurs.
Le conte à savourer
Le roi qui se laissait frire
(Conte du Punjab, Inde)
Il y a vraiment très longtemps vivait un roi, le roi Karan.
Il s’était juré de ne jamais toucher à son
repas du matin avant d’avoir distribué un quintal de pièces d’or aux pauvres. Tous les jours donc, avant de prendre son
petit-déjeuner, il envoyait ses serviteurs distribuer des paniers et des paniers de pièces d’or aux pauvres et aux mendiants. Ceux-ci, comme vous pouvez l’imaginer, n’oubliaient jamais d’être là pour recevoir l’aumône. Ils se bousculaient, jouaient des coudes, se piétinaient jusqu’à la dernière pièce. Quand les paniers étaient vides, le roi s’installait joyeusement devant son petit-déjeuner avec le sentiment confortable du devoir
bien fait. Ceux qui voyaient le roi distribuer son or de cette manière se disaient qu’un jour ou l’autre il viendrait à bout de ses
richesses et qu’il se retrouverait pauvre et démuni. Son trésor ne pouvait pas être éternel. Mais cela a duré des mois et des années et, tous les matins, il faisait distribuer son quintal d’or et s’installait aussi
heureux aussi satisfait aussi affamé et aussi gras devant son premier repas du matin. En vérité, le roi Karan avait un
secret. Il avait passé un accord avec un vieux fakir aussi saint que vorace qui vivait au sommet d’une colline. Tous les matins, il devait se rendre chez lui, se laisser frire et
manger tout entier en guise de petit-déjeuner. En échange, le fakir lui donnait tous les jours, un quintal d’or. Si le fakir avait été une personne ordinaire, le roi se serait fait manger une seule fois et l’histoire serait terminée. Mais le fakir avait des pouvoirs remarquables. Quand il avait fini de manger le roi Karan, il nettoyait ses os sans y laisser la moindre miette de chair, il les assemblait, récitait une ou deux formules
magiques et le roi était là, debout devant lui, plus gras et plus joyeux que jamais, prêt pour le petit-déjeuner du lendemain.
Jamais le moindre souci ne venait déranger leur
rituel, l’affaire était aussi profitable pour l’un que pour l’autre. Il faut dire que le roi Karan n’appréciait pas de plonger tous les jours dans un bain
d’huile bouillante. Son quintal d’or, il ne le volait pas. Avec le temps, il s’était néanmoins habitué au rituel. Il se rendait avec entrain chez le fakir affamé où la
poêle à frire bouillait au-dessus du feu sacré et il plongeait gracieusement dans l’huile bouillante. Quel grésillement ! Quel frétillement ! Quand il était
croustillant et
bien doré, le fakir le dévorait avec appétit, nettoyait ses os et les accumulait. Ensuite il récitait une formule magique et le travail était fait. Le fakir saisissait alors son vieux manteau sale et usé, il le secouait, le secouait le secouait et les pièces d’or tombaient des poches, sonnantes et trébuchantes. Voici comment le roi Karan avait tant d’or à distribuer. Plus loin dans le pays, il y avait un grand lac, le lac Mânsarobar. Là, les cygnes sauvages venaient se
nourrir de perles. Les perles étaient devenues si rares qu’il n’y avait plus rien à manger. Deux cygnes ,un mâle et une femelle, ont donc décidé de partir de par le monde pour chercher à se nourrir. Ils ont volé jusqu’au jardin du roi Bikramâjît à Ujjayin. Le jardinier,
émerveillé par les oiseaux, leur a donné du grain en espérant qu’ils resteraient. Les cygnes ont dédaigné le grain. Ils n’en ont pas
goûté un seul. Le jardinier est allé trouver son roi pour l’informer qu’il y avait deux cygnes dans son jardin qui refusaient de se nourrir. Le roi Bikramâjît connaissait le langage des animaux et des oiseaux. Il est allé auprès des deux cygnes et leur a demandé pourquoi ils refusaient toute
nourriture.
– Nous ne mangeons ni grains ni fruits, ont répondu les oiseaux. Nous ne nous nourrissons que de perles non percées.
Le roi qui avait un grand
cœur est allé leur apporter un panier de perles. C’est ainsi que tous les matins, il donnait à
manger aux deux cygnes sauvages, de ses propres mains.
Un jour, pendant qu’il leur distribuait les
perles, les deux oiseaux se sont aperçus que l’une d’elles était percée. Ils ont supposé que les réserves du roi Bikramâjît touchaient à leur fin. Ils ont décidé de rentrer chez eux.
Malgré les supplications du roi, les deux cygnes ont déployé leurs ailes blanches et se sont envolés dans le ciel bleu en direction du grand lac Mânsarobar. Ils étaient reconnaissants, aussi, pendant qu’ils volaient, ils chantaient les
louanges du roi Bikramâjît.
Ce jour-là, le roi Karan est à sa fenêtre, il observe ses serviteurs en train de distribuer les paniers d’or aux pauvres. Il voit deux cygnes sauvages traverser le ciel au-dessus de sa tête et il les entend
chanter : “Gloire à Bikramâjît ! Gloire à Bikramâjît ! “
il se dit : “Qui est cet homme dont les oiseaux chantent les louanges ! Moi, je me laisse
frire et manger tous les matins afin de pouvoir distribuer de l’or aux pauvres et il n’y a pas un seul cygne pour chanter mes louanges !”
Jaloux, il envoie un homme attraper les deux volatiles. Celui-ci les capture avec un piège à glu et les met dans une cage.
Le roi Karan suspend la cage dans son palais et donne l’ordre d’offrir aux deux cygnes toutes sortes de graines. Mais les oiseaux dédaignent fièrement la nourriture. Ils chantent avec mépris : “Gloire à Bikramâjît ! Il nous a nourris de perles non percées !”
Le roi Karan, ne voulant pas être en reste, fait apporter des perles mais les deux cygnes continuent de dédaigner la nourriture.
– Pourquoi ne voulez-vous pas goûter à mes perles ? Ne suis-je pas aussi généreux que Bikramâjît ?
La femelle répond :
– Les rois ne mettent pas les innocents en prison. Les rois ne combattent pas les femelles. Si le roi Bikramâjît était ici, il m’aurait
libérée à tout prix.
Karan est piqué au vif. Il libère la femelle. Aussitôt hors de la cage, celle-ci déploie ses ailes et s’envole en direction du palais de Bikramâjît. Elle lui
raconte la manière dont Karan retient son compagnon en captivité.
Bikramâjît est, comme chacun le sait, le roi le plus
noble et le plus généreux du monde. Il décide d’aller libérer le mâle. Il ordonne à la femelle d’aller rejoindre son compagnon. Il revêt les habits d’un serviteur et prend la direction du Nord jusqu’au royaume du roi Karan. Il se fait appeler Bikrû. Il se met au service de Karan et, tous les matins, il distribue les paniers d’or devant le palais. Il se doute que le roi Karan a un secret qui justifie tout cet or et n’a plus qu’une
idée, percer ce secret.
Un jour, il se cache et suit le roi Karan. Il le voit entrer chez le fakir et plonger dans l’huile bouillante. Il le voit
grésiller et frétiller. Il le voit en sortir croustillant et doré. Il le voit aussi se faire
déguster par le fakir et, pour finir, il le voit redescendre vers son palais, aussi gras et aussi joyeux que jamais avec un quintal de pièces d’or. Bikrû sait ce qu’il lui reste à faire. Le lendemain matin, il se lève de bonne heure, il prend un couteau bien effilé et se taillade le corps. Il prend du
sel, du poivre, des
épices, des graines de grenade pilées et de la farine de pois. Il mélange le tout pour faire une pâte de curry dont il badigeonne toute sa peau, en insistant sur les coupures et ce malgré la brûlure cuisante. Il monte au sommet de la colline jusqu’à la maison du fakir et plonge dans la poêle à frire. Le fakir dort encore mais il est réveillé par le grésillement de la friture :
– C’est incroyable comme le roi sent
bon ce matin !
L’odeur est si
appétissante que le fakir a du mal à attendre que le roi soit croustillant et doré. Vous ne pouvez pas imaginer comme il l’a goulûment dévoré ce matin-là.
Il avait très longtemps mangé de la friture sans
assaisonnement, un roi très
épicé est une bonne surprise ! Il n’a jamais nettoyé les os de cette manière. Il aurait pu manger les os s’il n’avait craint de tuer la poule aux œufs d’or.
Quand le fakir a fini de manger, il rassemble tous les os, prononce sa formule
magique et, quand le roi redevient entier, il lui demande, les yeux remplis de larmes :
– Dis moi comment tu as fait pour être aussi savoureux et je te donnerai tout ce que tu veux !
Bikrû explique son
mélange d’épices et ajoute :
– Je me parfumerai d’épices tous les matins si tu me donnes en échange ton vieux manteau usé. Il n’est pas agréable de plonger dans l’huile bouillante ! Je ne vois pas pourquoi je dois, en plus de cela , me charger d’un quintal d’or et marcher avec ce poids jusqu’au palais. Je n’aurai qu’à secouer le manteau chez moi, pour avoir ce qu’il me faut.
Le fakir accepte et c’est ainsi que Bikrû rentre au palais du roi Karan avec le vieux manteau usé. Pendant que Bikrû regagne le palais de Karan, celui-ci gravit péniblement la colline pour se rendre chez le fakir. Quand il entre chez ce dernier, il est tout étonné de voir le feu éteint, la poêle froide et le fakir content, sans un seul signe de
faim. Le roi Karan dit d’une voix hésitante :
– Que se passe-t-il ?
– Qui es tu ? répond le fakir qui ne voit pas clair et qui somnole pour mieux digérer.
– Qui suis-je ? Je suis le roi Karan qui vient se faire frire tous les matins ! Tu ne veux donc pas prendre le petit-déjeuner aujourd’hui ?
– J’ai déjà mangé et tu étais
délicieux, si bien épicé. Crois moi, je suis rassasié.
– Je n’ai jamais été épicé de ma vie ! hurle le roi Karan. Tu as mangé quelqu’un d’autre !
Le fakir sourit et marmonne, toujours somnolent : “C’est ce que je me disais aussi … Je pensais … que ce n’était … pas seulement … les épices …”
Le fakir sombre dans un sommeil profond et très ronflant. Le roi était en colère. Il secoue le fakir et crie :
– Tu dois me manger !
Endormi, le fakir répond mollement :
– Impossible … pas une miette … de plus …
– Alors donne-moi mon quintal d’or ! Tu me dois l’or … Tu dois remplir ton contrat, moi je suis prêt à remplir le mien !
– Je n’ai aucun contrat à respecter avec toi … Seulement avec l’homme épicé, enfin, avec l’autre … d’ailleurs, il est parti avec mon vieux manteau usé …
Le roi Karan est désespéré. Il rentre chez lui et ordonne au trésorier de lui apporter de l’or afin de le distribuer avant de prendre tranquillement son petit-déjeuner. Le lendemain, le roi fait distribuer ses trésors
précieux avant de manger, mais il est inquiet. Le troisième jour , le trésorier vient les mains vides. Il se prosterne devant le roi Karan et lui dit : “Votre majesté ! Il n’y a plus d’or dans le coffre royal ! »
Le roi Karan ne dit rien, il regagne dignement son lit sans rien manger. Dehors, la foule attend depuis des heures la distribution d’or. Lassés de voir les portes du palais closes, les gens s’en retournent chez eux non sans maugréer : “Quelle honte de décevoir de pauvres hères de cette manière !”
A l’heure du
dîner, le malheureux roi semble amaigri. Il n’a qu’une parole et tient à la respecter. Le rusé Bikrû s’approche de lui et tente de le persuader de manger : “Tu n’as rien à te reprocher”. Mais Karan fait mine de ne rien entendre et se retourne vers le mur.
Bikrû ou Bikramâjît, si vous préférez, va chercher le vieux manteau usé du fakir. Il le secoue devant le roi Karan et dit: « “Prends tout cet or, mon ami ! Et si tu veux bien libérer les cygnes sauvages de leur cage, je te donnerai le manteau aussi !”
Le roi Karan libère les cygnes. Dès qu’ils ont atteint le ciel, le chant résonne : « Gloire à Bikramâjît ! Gloire à Bikramâjît !”. Le roi Karan baisse la tête et se dit : “Ils ont raison. Bikramâjît est vraiment plus
généreux que moi … Je me laissais frire pour un quintal de pièces d’or et pour un petit- déjeuner. Lui, il s’est entaillé la peau et s’est farci d’épices pour
libérer deux oiseaux ! “
Un délice à faire perdurer …
Laissez-vous aller encore une fois, deux fois, trois fois. Lisez et relisez ce conte.
Qu’avez-vous retenu de ce conte ? Comment allez-vous le redire ?
Partagez
“Le roi qui se faisait frire” avec vos proches et même moins proches, afin que ce conte étonnant révèle des questions en chacun …
Et encore merci à
Praline pour ces moments de délices partagés.
Vous pourrez la découvrir un peu plus,
écoutez plutôt par ici
Notre petite
surprise, vous vous en souvenez ?
La voici la voilà …