Conte iD delices - Herbe du roi tigre

iD delices, votre complice de valeurs

Nous avons retrouvé sur les étagères de notre bibliothèque deux petits ouvrages de contes et légendes. Ces livres nous suivent depuis plus de trente ans et nous font toujours partager de merveilleux moments. Nous partons avec cette belle histoire au Laos. Vous allez ce soir lire une histoire d’amour, d’enfants, avec des bons et des moins bons. L’on nous dira également le pouvoir de certaines plantes. Nous aimons tout particulièrement la morale de cette histoire, belle lecture ! Les épices ont de nombreuses vertus. Nous les découvrirons ensemble petit à petit. Belle et douce soirée.

Le conte à savourer

Cette histoire-là, c’est Jean Palaiseul qui me l´a racontée. Car Palaiseul est l’homme qui connaît le secret de toutes les plantes que les hommes utilisaient jadis pour se soigner. Cela se passait il y a plusieurs siècles dans un gros village construit au bord du Mékong. Le chef de ce village s’appelait Tiang. Il était propriétaire des plus riches rizières de la région, et il avait amassé une fortune considérable. Il n’aimait que deux choses au monde : son trésor et sa fille Yun Li, qui était aussi belle que son père était laid et aussi désintéressée qu’il était avare. De temps à autre, il y avait entre eux de petites disputes, car le père ne voyait jamais d’un bon œil que sa fille aidât les pauvres, mais Yun Li lui souriait et le père pardonnait. Cependant, un jour, le vieux Tang entra dans une terrible colère et pour la première fois de sa vie, il faillit battre sa fille. C’est que Yun Li venait de lui annoncer qu’elle était amoureuse de Tao, le bûcheron.
  • “Quoi ! hurlait-il, je suis l’homme le plus riche du pays, et tu voudrais que je donne au plus miséreux la main de ma fille unique ! C’est une honte !
  • Mais père, justement, j’ai bien assez d’argent pour deux !”
Le vieil homme manqua s’étrangler. Lorsqu’il eut fini de tousser, il reprit son souffle d’une voix encore tout enrouée, il répliqua :
  • « C’est avec de telles idées que l’on finit sa vie dans la misère. Tu m’avais habitué à pas mal de fantaisie, mais aujourd’hui c’est de la folie.
  • Mais père, puisque j’aime Tao et qu’il m’aime…
  • Tais-toi … Je ne t’en ai jamais parlé parce que je t’estimais encore trop jeune, mais puisque tu te crois en âge de te marier, je dois te dire qu’un homme très riche m’a demandé ta main. C’est le docteur Van Tien. Celui qui habite… »
Le père ne put achever. Malgré son chagrin, la jeune fille était partie d’un vaste éclat de rire.
  •  » Quoi, dit-elle, ce vieil avare qui refuse ses soins aux pauvres et les laisse mourir parce qu’ils n’ont pas les quelques pièces… »
Cette fois, le père ne se contrôlait plus. Décrochant une sagaie, il bondit dehors et claqua la porte qu’il bloqua à l’aide d’une énorme souche. Enfermée, la jeune fille se mit à crier et à se lamenter, persuadée que son père s’en allait tuer celui qu’elle aimait et qui avait osé répondre à son amour. Voyant leur chef dans une pareille colère, les villageois le suivirent de loin. Tous avaient aperçu les deux jeunes gens ensemble, et tous tremblaient déjà pour le pauvre Tao. Tous tremblaient, mais nul n’avait le courage de courir le prévenir de l’arrivée du chef. Le bûcheron venait de regagner sa hutte après avoir passé sa journée à abattre des arbres. Occupé à préparer son repas et celui de sa vieille mère qui était paralysée, il ne vit pas arriver le chef. Lorsqu’il se retourna, ce fut pour recevoir au ventre un coup de sagaie qui lui fit une entaille longue de deux mains. Le sang se mit à couler et le garçon dut rouler son pagne sur la plaie pour tenter d’en arrêter le flot. » Te voilà averti, lui cria le vieil homme. Si tu lèves les yeux sur ma fille, c’est en plein cœur que je te planterai cette lame. » Le chef s’éloigna, puis, se mettant soudain à rire, il se retourna et ajouta :  » Ma fille prétend que tu es très fort et très intelligent. Eh bien, si tu l’es à ce point, tu dois pouvoir te soigner. Tiens, je te donne une chance : si demain matin ta blessure est guérie, je t’accorderai la main de ma fille. » Le bûcheron s’était affaissé sur le seuil de sa hutte, sa mère sanglotait. Les villageois effrayés, attendirent que le chef eût disparu pour s’approcher du blessé. Tout le monde le croyait perdu. Seul un enfant souriait. S’agenouillant près du blessé, l’enfant lui dit à l’oreille :  » Souviens-toi, Tao. Tu m’as dit un jour que tu connaissais tous les secrets de la forêt. Tu m’as raconté que tu avais vu le grand tigre, roi de tous les tigres, blessé à mort et qui avait guéri de ses blessures en une nuit. Souviens-toi l’herbe du roi des tigres. » Le bûcheron luttait contre la douleur. Déjà sa vision se troublait. Le souffle court, il murmura :  » Je n’aurai jamais la force d’aller jusqu’à la clairière où pousse cette herbe. Je vais t’aider. Tu m’as souvent emmené avec toi dans la forêt, je connais les pistes. Je sais où est cette clairière. Appuie-toi sur moi et essaie de marcher. » Le blessé fit un effort considérable, mais il ne put faire un pas. Alors l’enfant parla aux autres enfants, et, malgré les cris de certains parents qui redoutaient la colère du chef, plus de dix garçons se mirent à fabriquer une litière de bambou où ils allongèrent blessé. Dès que Tao fût installé, ils soulevèrent la litière et coururent vers la forêt. Ils coururent longtemps. D’abord dans les dernières lueurs du crépuscule qui plaquait des reflets d’or sur l’eau calme des rizières, puis sous la nuit épaisse des arbres, puis sous le semis d’argent que la lune laissait tomber à travers les feuillages. Enfin, la clairière apparut dont le sol était couvert de cette plante rampante aux feuilles vert pâle que Tao appelait l’herbe du roi des tigres. Là, les enfants couchèrent le blessé à même le sol, et, comme il l’avait vu faire au roi des tigres, le bûcheron se roula sur l’herbe dont il arrachait des poignées pour les plaquer sur son ventre. Peu à peu le sang cessa de couler et Tao s’endormit. Toute la nuit, les enfants veillèrent autour de lui, fredonnant cette vieille chanson qui dit :

Forêt de mon pays

Forêt des vieilles terres

C’est toi qui nous guéris

Des maux et des misères.

O forêt de la nuit

Quand l’homme désespère

C’est vers toi qu’il s’enfuit

Comme on va vers sa mère

Et lorsque l’aube aux couleurs de cendres coula ses premières brumes sous les arbres, Tao s’éveilla, s’assit tranquillement, se frotta les yeux et dit : » C’est curieux, j’ai rêvé que j’étais aussi fort est aussi malin que le roi des tigres. » Puis, voyant les enfants et la clairière, il se souvint de ce qui s’était passé et, avec une certaine appréhension, il regarda son ventre. De la plaie, il ne restait plus qu’une cicatrice à peine visible. Le bûcheron hésita, puis se levant d’un bond, il se mit à courir vers le village. Les enfants le suivirent en poussant des cris de joie qui réveillèrent le chef, sa fille et tous les paysans. Ayant examiné le ventre du bûcheron, le vieux chef hocha la tête et dit :  » Tu es plus intelligent et plus fort que nous tous, tu as bien mérité d’être notre chef. Le jour où je mourrai, c’est toi qui prendras ma place, mais en attendant, je te donne ma fille. » Inutile de vous dire qu’il y eut de grandes fêtes, vous vous en doutez. Mais, ce que vous ne pouvez deviner, c’est que Tao se mit à soigner tous les malades et tous les blessés avec son herbe du roi des tigres. Il soignait les pauvres gratuitement, mais il faisait payer les riches et donnait à son épouse autant d’argent qu’elle en voulait pour secourir les malheureux. Ah ! J’oubliais ! Le vieux médecin avare dut vivre sur son trésor, car il ne vit plus jamais un client. Et si cette histoire vous paraît invraisemblable, demandez à un savant s’il connaît la Centella Asiatica, car c’est le nom que porte aujourd’hui l’herbe qui sauva le bûcheron et celle qu’il aimait.

C’est bien vrai, nous avons vérifié 😊

Un délice à faire perdurer…

Laissez-vous aller encore une fois, deux fois, trois fois. Lisez et relisez ce conte. Qu’avez-vous retenu de ce conte ? Comment allez-vous le redire ? Partagez “L’herbe du roi tigre” avec vos proches et même moins proches, afin que ce conte étonnant révèle des questions en chacun…

Sources : Légendes des montagnes et forêts de Bernard Clavel

2 Comments

  1. Lesage
    29 avril 2023

    Super merci beaucoup 😁
    Ce conte est trop bien

    Reply
    • iDdelices
      14 août 2023

      Nous sommes ravis qu’il vous ait plu. N’hésitez pas à lire les autres …

      Reply

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error: C'est du "fait-maison" 😉